Conférence d'honneur
Pierre Zoberman
Université Paris XIII
Queer au dix-septième siècle ? Stratégies discursives et culture sexuelle dans la France d'Ancien Régime
A partir d'une analyse des textes de l'époque qui évoquent la vie et les plaisirs de Monsieur, frère de Louis XIV, un personnage dont le rang imposait qu'on parlât souvent de lui – et connu à l'époque, comme sodomite – j'examinerai la fécondité de théories et de concepts développés dans le contexte culturel récent et actuel (identité sexuelle, théorie queer, etc.). Comment et à quelles conditions peut-on identifier des contextes gay dans la culture des débuts de l'époque moderne ? Peut-on définir des personnages et des comportements queer au dix-septième siècle et comment une telle définition enrichit-elle notre saisie de ce à quoi le terme queer renvoie aujourd'hui ? Les sources de l'époque dépeignent Monsieur comme un être voué à un plaisir apparemment dégagé de toute logique de pouvoir, ce qui invite à voir dans le plaisir un marqueur discursif, soit de l'homosexualité (voire d'un style de vie potentiellement gay), soit de la construction textuelle d'une « différence » sociale (par exemple, celle du libertin) – indice,donc, de marginalité pour le français, et, pour l'anglais, d'une éventuelle queerness. Or le décalage de Monsieur, marié deux fois, et ancêtres de tous les monarques européens actuels, est éminemment circonscrit, au contraire de la nature autrement dérangeante de personnages fictifs comme la Princesse de Clèves, dont le comportement a engendré chez les lecteurs de l'élite mondaine débats passionnés, incompréhension et réprobation. Curieusement, le refus exprimé par le personnage de se conformer aux conduites attendues d'une femme amoureuse (et, comme veuve, libre de disposer de sa personne, donc de se donner) – son rejet de la logique de l'échange matrimonial et surtout le plaisir qu'elle se donne de déclarer ses sentiments à l'homme qu'elle aime et refuse, le réduisant ainsi à un silence qui le dévirilise et inverse les rôles – semble avoir ébranlé l'ordre hétéronormatif (qui régit les rôles et les rapports socialement déterminés des hommes et des femmes) de manière beaucoup plus traumatique que l'homosexualité de Monsieur. D'où pour nous, l'intérêt de chercher dans la littérature (et peut-être dans la littérature féminine) une véritable peinture queer (les personnages réels, même Monsieur, sont engagés dans l'économie royale réelle, ce qui limite leur capacité de remise en cause de l'ordre). D'où aussi des pistes pour identifier les comportements potentiellement perçus comme « queer » d'une manière qui ne coïncide pas exactement avec l'identité sexuelle.
Is Dumarsais Still Relevant?
The eighteenth century grammarian Dumarsais's definition of a figure of discourse, "a manner of speaking removed from the common and simple expression," corresponds with that of Gérard Genette: "a gap between sign and meaning," or in other words "the opposition between the literal and the figurative." The encyclopedic treatment of the figures of speech by Dumarsais is not mere "pigeon-holing" but an investigation of the reasoning behind them. His meticulous study examines how and why we use tropes. His analysis of figures demonstrates that they arise naturally from the three persuasive appeals and so are essential to argumentation as well as to ornamentation in discourse.
La taxinomie des Tropes
Le 18e siècle, au point de vue des sciences, a surtout été une époque de compilation et de classement. Les travaux à caractère encyclopédique allaient servir de catalyseurs aux découvertes scientifiques des siècles suivants. Par exemple, en 1751, Linné (1707-1778), dans Philosophia Botanica, introduit une nouvelle nomenclature et un nouveau système de classement fondé cette fois sur le nombre, la forme et la position des étamines. Ce que sa taxinomie avait de révolutionnaire, c'était sa simplicité et sa perfectibilité. Qu'en est-il de la taxinomie des Tropes de Dumarsais? était-elle simple et perfectible? Comment se compare-t-elle, aujourd'hui, avec un ouvrage de compilation et de classement comme la Rhétorique générale du groupe mu?
Esthétique et éthique dans l’œuvre romanesque d’Abla Farhoud
Cette communication portera sur la quête identitaire chez Farhoud, quête qui s’articule toujours autour d’une quête esthétique. Parmi les sujets traités les principaux seront : la représentation des différentes formes de création, le rôle de la création au sein des relations humaines et aussi la possibilité qu’offre la création d’aller vers l’autre et de surmonter cet exil qui semble inhérent à la condition humaine chez Farhoud. On verra que ces relations se basent sur le langage ainsi que sur l’éthique, dans la mesure où l’absence de communication peut dévaloriser l’identité, alors qu’une communication basée sur l’amour et la générosité sert à affirmer l’identité et témoigne d’un respect profond qui sous-tend toute relation positive.
La gare de Sergio Kokis: lieu de passage, lieu de questions
Adrien Traum, ingenieur, descend d'un train egare dans une gare deserte et desaffectee.Le train repart sans lui. Adrien se retrouve seul dans un petit village isole. La curieuse et improbable interruption de son quotidien constitue une situation ideale pour s'interroger sur le sens de l'existence humaine, une situation parfaite pour l'introspection et pour la reflexion, bref pour une remise en question radicale de sa vie jusqu'a ce point. Apres s'etre defait de l'esclavage de son quotidien, Adrien se defait de certains jugements moraux et des convenances, et c'est dans cet espace de liberte nouvellement acquise qu'il se pose des questions essentielles portant sur le passe,sur la memoire et l'oubli, sur l'identite et la liberte, sur l'ordre et le desordre. Son aventure devient ainsi une aventure profondement spirituelle. Nous nous proposons d'etudeir dans notre communication *La gare* comme lieu privilegie de questionnement.
La littérature migrante s'écrit-elle dans un style particulier?
Les années 1980 en France comme au Québec voient l'émergence d'une nouvelle littérature caractérisée surtout par sa thématique spécifique: la littérature de l'immigration, produite par des auteurs venus d'ailleurs qui écrivent à partir de leur expérience personnelle en choisissant souvent le genre théâtral. Cette littérature connaîtra bientôt des évolutions qui amèneront un changement d'étiquette: les textes produits par les écrivains immigrants dans les années 1990-2005 relèveront de la littérature migrante et auront tendance à privilégier comme genre le roman, l'essai ou le texte hybride. Notre analyse stylistique s'efforcera de déterminer si ce changment d'appellation reflète, au delà de toute préoccupation d'ordre thématique, l'émergence d'une nouvelle écriture dont les traits caractéristiques seraient repérables.
Adapter Beckett?
Entre Dire et Dédire: l'auto(bio)graphie beckettienne dans Compagnie
L'interprétation herméneutique et éthique (lévinassienne) proposée permet une meilleure compréhension et interprétation de Compagnie de Beckett. En plus des éléments autobiographiques, le récit devient par moments autographique (terme de H. Abbott-Porter). L'autographie beckettienne peut être bien définie grâce à l'éthique lévinassienne du dialogisme et de l'altérité: la recherche de l'Autre est en fait une recherche éperdue de soi-même qui se transforme par moments en écriture autographique où le rapport changeant entre Dire et Dédire y joue un rôle essentiel.
Beckett ou l'hétérosexualité queer
Même si Beckett et ses personnages se situent dans le continuum des comportements hétérosexuels, il s'agit d'une vision fondamentalement queer du couple (et de l'amour), c'est-à-dire aux antipodes de l'hétéronormativité. Les œuvres référentielles de la première moitié de sa carrière (Dream of Fair to Middling Women, Murphy), présentent des couples dont le partenaire masculin refuse le rôle sexuellement et socialement actif. Dans les œuvres abstraites de la prochaine période de sa production, surtout dans Comment c'est, nous voyons des couples masculins, asexués si l'on veut mais, ce qui importe davantage, aux rôles interchangeables. Ainsi, Beckett s'attaque aux deux piliers de l'hétéronormativité, la division sexuelle du travail et la division du travail sexuel (P. Bourdieu).
La dimension diachronique des textes beckettiens
Les textes de Beckett thématisent parfois la question de l'évolution historique des langues (telles que le latin, l'anglais, l'italien et l'allemand dans l'essai "Dante... Bruno. Vico.. Joyce" ou le gaélique dans la version anglaise de la pièce radiophonique "All That Fall"/"Tous ceux qui tombent"). Notre communication vise à montrer que les diachronies du français et de l'anglais – les deux principales langues de composition de Beckett – sont exploitées, dans les écrits de l'auteur, non seulement thématiquement, mais aussi po(ï)étiquement, en tant que modalités de différenciation sém(ant)ique et de configuration textuelle.
Patrick Bergeron
Université du Nouveau-Brunswick à Fredericton
Lectures et écritures de la mort à l'époque symboliste
Entre 1880 et 1914 s'est constitué, grâce à des écrivains comme Huysmans, Barrès, Rachilde, Lorrain, Schnitzler et Hofmannsthal, un système de l'imagination littéraire basé sur la problématisation de la mortalité et le sentiment de l'impossibilité de vivre. Notre intervention se propose de montrer comment les écrivains ayant gravité autour des mouvances décadente et symboliste de la modernité littéraire en Europe ont effectué une lecture et une écriture originales de la mort en procédant à une anticipation du point de vue rétrospectif. Cette perspective leur a permis de se faire les contemporains de leur posthumat, et de considérer le monde à partir d'un sensualisme macabre, en grande partie hérité de Baudelaire.
"Je vais rejoindre l'immense" : la mort dans Le Cycle de l'Invisible d'Eric-Emmanuel Schmitt
Le Cycle de l'Invisible d'Eric-Emmanuel Schmitt se compose de quatre courts romans, chacun consacré à une religion différente : le bouddhisme, le soufisme, le christianisme et le judaïsme. Le thème de la mort pourrait servir de lien unificateur pour les quatre textes. Alors que les trois premiers illustrent la confrontation de quelques individus à la mort, le quatrième volet du Cycle traite de la survie du peuple juif menacé de l'extinction. Dans cette communication, je me propose de répérer les différentes réactions à la mort et les différentes compréhensions de la mort présentées dans les quatre romans du Cycle. Je tenterai également de dégager l'évolution dans le Cycle vers une éthique bien plus humaniste que religieuse affirmée dans le dernier texte : le combat de la mort par l'agence humaine.
Des Lunes en papier jusqu’à Lazare : un parcours contre la mort
Dans l’univers poétique d’André Malraux, la mort, au sens littéral et figuré, figure littéraire et question métaphysique principale, est incontournable. Nous suivrons le parcours malrucien de l’écriture de la mort entre la personnification fonctionnant à même le texte dans Les lunes en papier et se refusant formellement toute symbolique extra-textuelle, et sa présence irreprésentable dans un texte testamentaire comme Lazare. Il s’agit de suivre l’éclatement progressif de l’écriture, amorcé dans Les lunes en papier, qui, dans Lazare, s’appuie sur une « poétique de l’ellipse » où la structure fragmentaire devient tout à fait appropriée à ce témoignage de la rencontre avec la Mort et d’un retour de l’au-delà à la fois accédant jusqu’à la transcendance et valorisant l’homme en tant qu’« être contre la mort. »
Écrire l’incommensurable: Le 11 septembre des poètes du Québec
Un an après la tragédie du World Trade Center paraît Le 11 septembre des poètes du Québec, un ouvrage sous la direction de Louis Royer qui réunit 122 poètes_de plusieurs générations et d’origines diverses. Comment écrire lorsque la puissance des médias américains a livré au monde des images live où la mort est plus symbolique que réelle? Je propose d’étudier les représentations discursives de la mort pour tenter de voir si une polyphonie de « je » énonciateur en provenance de divers poètes parvient à écrire l’amoncellement des corps, dès lors amalgamés aux Twin Towers.
L’écriture de la mort chez Cioran
Puisqu’il a « oublié de naître », Cioran sera toujours préoccupé par cet « accident » qui l’a jeté au monde et par ce qui est au-delà de cette « catastrophe ». Spécialisé très tôt dans le problème de la mort (à 23 ans), Cioran reviendra sur l’obsession de l’espace étranger - auquel il donnera l’acception du non-né - et qui l’engagera dans l’interprétation philosophique d’une série linguistique inscrite dans le domaine naissance - existence - mort : « voir le jour », « être en vie », « être libre comme un mort-né », « oublier de naître », « réussir à mourir ». Le fait que nous respirons l’air de n’importe quel espace géographique nous rend, pense Cioran, les prisonniers de notre propre corps.
La fonction des morts dans Delphine de Germaine de Staël
Chez l'auteure des Considérations sur la Révolution Française, le sentiment de mélancolie se traduit dans le rapport qu'entretiennent les vivants avec leurs morts. Au cours de ma communication, j'analyserai le rapport à la mort et aux morts dans Delphine, et ce, sur trois plans. Dans un premier temps, j'étudierai la fonction des véritables morts, qui contribuent, plus que tout autre élément, à la déchéance de l'héroïne. Deuxièmement, je mettrai en évidence le rôle plus discret, mais non moins riche, que jouent les personnages qui ont choisi de mourir à la société. En troisième lieu, je tenterai de comprendre la manière dont les monuments funéraires, très importants dans le déroulement de l'histoire, produisent une impression de sublime sur les deux héroïnes. Ces trois représentations de la mort sont à l'origine de la plupart des transformations qui conduiront l'héroïne au suicide. Autrement dit, les morts conduisent la vivante à la mort.
La femme, la mort et l’écriture
Les pertes remémorées occupent une place privilégiée dans les fictions et les auto-fictions de Chantal Chawaf. Tant et si bien que plusieurs textes depuis Retable (1974) pourraient être lus comme une sublimation du rapport à la mort. Or, dans ses dernières parutions, Sable noir, Infra-monde et L’ombre entre autres, Chawaf pense le traumatisme et la souffrance, mais aussi la résilience par le biais la femme. Ce travail, portant sur L’ombre (2004) en particulier, entreprendra de montrer comment la mémoire devient le lieu d’une re/confrontation avec la mort par ressassement de souvenirs longtemps refoulés ou passés sous silence et, par cela, d’une prise de conscience qui permet la renaissance de l’être désormais orienté vers un discours régénérateur. Discours qui, à l’étude des contenus mais aussi des différentes formes de l’expression, révèle les fondements d’une éthique de la vie, voire ceux d’une écriture de la vie.
L’Œuvre de la mort chez Zola
Cette présentation vise à étudier la manière dont la mort s’inscrit dans la logique de la création dans le roman L’Œuvre de Zola puisqu’elle est évoquée à deux reprises en relation avec le geste artistique. Nous allons mettre en parallèle la mort de l’artiste et celle de son enfant en montrant que si elles répondent toutes les deux à des critères d’écriture naturaliste, elles s’opposent sur certains points par rapport au geste plastique. Nous estimons cependant qu’elles se rejoignent dans la question que pose de manière générale la création artistique au récepteur.
L’absurdité au second degré: Le Malentendu de Camus et ses sources littéraires
Dans L’Etranger (1942), Albert Camus nous montre Meursault en prison en train de lire et de relire “un vieux morceau de journal” relatant un fait divers qui s’est passé en Tchécoslovaquie. Deux années plus tard, Camus se montre toujours tellement fasciné par cette histoire qu’il s’en sert pour l’intrigue de sa prochaine piΠce de théâtre, Le Malentendu (1944). A vrai dire, les origines de cette intrigue remontent encore plus loin, à deux autres pièces de théâtre: Fatal Curiosity de Georges Lillo (1736) et Der vierundzwanzigste Februar de Zacharias Werner (1810). Cette communication proposera donc une analyse comparative de la pièce de Camus et ses antécédents littéraires.
Beckett « palimpseste » de Proust ou la réécriture par déni
Les préfaces tardives de Yourcenar : reprises et transformations
Il est généralement reconnu que Marguerite Yourcenar a une manie du commentaire auctorial. Cette communication montrera qu’il existe, au-delà des rapports traditionnels entre une œuvre et son paratexte, une importante relation hypertextuelle entre les préfaces tardives de Yourcenar. Ces préfaces, rédigées entre 1952 et 1967 pour accompagner des rééditions d’ouvrages qui ont d’abord paru entre 1929 et 1939 – Alexis ou le traité du vain combat (1929), Denier du rêve (1934), Feux (1936) et Le Coup de grâce (1939) –, ont été recueillies par l’auteure dans le volume Œuvres romanesques (coll. « Pléiade ») en 1982. La reprise des mêmes stratégies discursives et rhétoriques dans ces textes préfaciels affiche combien l’acte de préfacer était aussi important à Yourcenar que le fond de ses préfaces et suggère l’importance d’une nouvelle réception du paratexte yourcenarien.
La Reine de Saba de Jean Grosjean : de la lettre à l'esprit
Toute réécriture littéraire pose la question de l'affectation du signifié transposé à travers les transformations littérales subies par l'hypotexte. Celui-ci se module selon le contexte générique et culturel. Cela intéresse en particulier les réécritures littéraires de textes religieux, qui interrogent le passage du sacré au profane. Le récit poétique de Jean Grosjean, La Reine de Saba (1987), mêle et convertit les éléments du mythe en les orientant vers la révélation christique. Nous nous interrogerons sur le statut et les enjeux de ce texte aux frontières de la fiction, de la transposition et de l'exégèse : que reste-t-il du sacré lorsque la littérature s'en empare ?
La réécriture chez Marguerite Yourcenar – de la nouvelle "D'après Dürer" au roman L'oeuvre au noir
En 1921, à l'âge de dix-huit ans, Marguerite Yourcenar commence la rédaction de La Mort conduit l'attelage qu'elle publiera en 1934 chez Grasset. Nous y trouvons trois nouvelles respectivement intitulées, "D'après Dürer", "D'après Greco", "D'après Rembrandt", qui sont les prémisses de ses romans, L'oeuvre au Noir, Anna Soror, Un homme obscur. Dans cette communication, nous nous proposons de discerner les principales caractéristiques de la réécriture du premier texte, "D'après Dürer" (l'hypotexte) en un roman majeur, L'oeuvre au Noir (l'hypertexte). Nous tacherons d'analyser ce que l'auteur a préservé de la nouvelle de ses vingt ans et ce qu'elle a ajouté trente ans plus tard pour la transformer en l'un des plus importants romans français du 20e siècle.
L'école des Veuves une subversion et une réécriture d'un conte mythique
L'école des Veuves une subversion et une réécriture d'un conte mythique En se présentant comme un “réécrivain” et interprète de textes anciens, Cocteau ouvrait la voie à l'idée si moderne que l'écriture est toujours une réécriture, faite de mots et d'images, de sons et de gestualité, qui permet aux mythes de constituer « le modèle exemplaire de toute situation créatrice » (éliade, 45). Pour cette communication, je me propose d'examiner la reprise d'un conte mythique La Matrone d'éphèse que Cocteau a repris et réécrit en 1936. L'école des veuves trouve son origine dans le conte mythique La Matrone d'éphèse, tel qu'il est raconté par Pétrone au milieu du 1er siècle après J-C, aux chapitres CXI et CXII du Satyricon. Cocteau vient s'insérer dans une longue tradition d'adaptations quand, en 1936, il reprend le conte mythique pour en faire une pièce en un acte et lui donne une connotation moliéresque : L'école des veuves. Cocteau adapte le conte antique pour un public du XXe siècle en écrivant un dialogue « simple et écrit en gros caractères pour être compris de tous ».
La réécriture d'un proverbe dans Les Fleurs bleues de Raymond Queneau
En nous servant des théories de Gérard Genette sur la transtextualité (Genette : 1982, 7) et de A.J. Greimas sur les "dictons et proverbes" (Greimas : 1970, 309-314), notre communication se propose d'étudier les mécanismes de la réécriture d'un proverbe dans les Fleurs bleues de Raymond Queneau. Dans un roman qui revisite l'histoire de l'Histoire française, nous verrons comment la mise hors du temps des significations (Greimas : 1970, 313), caractéristique du proverbe, permet de mettre en place un jeu de variantes parodiques dans ce que Genette a nommé une relation d'hypertextualité (Genette : 1982, 11).
Palimpsestes mystiques. Réécriture idéologique au XVIe siècle
Pour Sébastien Castellion, humaniste français du XVIe siècle et premier grand théoricien de l'idée de tolérance, la réécriture constitue un genre discursif au moyen duquel ce grand penseur de la Renaissance a pu léguer au monde moderne l'un des principes les plus fondamentaux des droits de la personne, à savoir, celui de la liberté de conscience. Cette réécriture prend chez Castellion trois formes : l'adaptation de textes d'autres auteurs (certains écrits de la tradition mystique allemande), le rassemblement dans un but très précis d'extraits de textes d'autres auteurs (Traité des hérétiques, qui en 1554 ouvre le débat en Europe sur la tolérance et la liberté de conscience), et la reproduction de textes de ses adversaires idéologiques avec l'insertion dans le texte d'une réfutation point par point (réponses à Jean Calvin et à Théodore de Bèze sur la persécution des hérétiques).
Journal e(s)t fiction : la relation entre André Gide, son Journal et Les Cahiers d’André Walter
Cette communication se propose d’analyser le rapport qui existe entre André Gide, son Journal et Les Cahiers d’André Walter. Comme Gide, Walter est un écrivain qui tient un journal intime dans lequel il transcrit des passages d’un ancien journal. Cependant, alors que la rédaction de son journal empêche Walter d’écrire son roman, elle permet à Gide de composer le sien. Cette différence repose sur la distinction entre transcrire (simple acte de recopier) et transposer (acte créateur). L’acte de transcrire dans le roman reflète l’acte de transposer au niveau extratextuel : la structure de cette relation est chiasmatique. La mise en scène d’une fonction négative du journal intime dans le texte fictif témoigne ainsi d’une valorisation du Journal et de son rôle crucial dans la création littéraire de Gide.
L’œuvre de Louis Hennepin : répétition, réécriture ou imposture ?
La parution de Nouvelle Découverte et Nouveau Voyage de Louis Hennepin, en 1697 et en 1698, suscite la controverse. Outre le fait que le missionnaire s’y présente comme le véritable découvreur de l’embouchure du Mississipi (deux ans avant La Salle), l’auteur réécrit son œuvre précédente Description de la Louisiane. La réécriture n’est pas chez Hennepin un exercice fortuit, mais un travail réfléchi, une pratique stylistique, accomplis au nom de grands projets politique, religieux et littéraire. En cela, il procède comme les autres auteurs de relations de voyages, qui puisent dans leurs propres œuvres ou dans celles de leurs devanciers.
Révolutions ou la poétisation d'une expérience
Entre histoire intime et histoire universelle, entre descendance et quête des origines, le roman de Le Clézio, Révolutions (2003), se présente comme une toile d'araignée où tout s'imbrique : fiction, philosophie et poésie. L'auteur parsème sa prose romanesque de carnets intimes, de témoignages, de lettres, de vers, qui s'entrecroisent tous dans une tentative d'écriture du monde dans lequel l'homme est à la recherche de sa place. Si le livre « fait rhizome avec le monde » (Gilles Deleuze), et Révolutions serait un roman « ouvertement autobiographique » (Abdelhaq Anoun), notre communication vise à mettre à l'épreuve l'idée qu'il y aurait des correspondances entre le trajet initiatique de Jean Marro, le héros romanesque leclézien, et l'expérience existentielle et intellectuelle de l'écrivain lui-même. Des références à d'autres oeuvres de Le Clézio seront faites afin d'articuler la singularité du texte en question, et finalement, de soutenir l'hypothèse que dans la prose leclézienne récente, il y aurait un renouvellement et un refaçonnement des moyens artistiques employés dans le processus de « poétisation d'une expérience ».
“Une réalité qui a déjà servi”: auto/bio/fictionnalité chez France Daigle et Hélène Harbec
Dans cette communication, je me propose d’étudier quelques éléments contribuant au caractère auto/bio/fictionnel que l’on peut observer dans les textes hybrides de France Daigle et d’Hélène Harbec, deux auteures acadiennes qui, après avoir cosigné L’été avant la mort, continuent à écrire, chacune de son côté, à partir d’une “réalité qui a déjà servi” (Daigle, Film d’amour et de dépendance, 56). Je mettrai l’accent sur certains échos de textes daigliens que l’on peut trouver chez Harbec.
Hybridité et pluralité dans La traversée des lignes de Béatrice de Jurquet
Texte négligé par la critique sur le roman contemporain féminin, La traversée des lignes de Béatrice de Jurquet constitue le lieu d'une expérimentation sur le genre autobiographique. Par son énonciation hybride, la multiplicité des anthroponymes et des toponymes, la déconstruction de la linéarité chronologique du texte, l'insertion de la poésie en prose dans le récit, les commentaires métatextuels, et les intertextes, ce texte participe pleinement à la remise en question actuelle des formes et des limites de l'écriture contemporaine. Dans cette communication, je propose d'examiner ces différentes stratégies textuelles mises en place pour exprimer un trauma vécu dès le plus jeune âge. Pour ce faire, je ferai appel aux théories de l'énonciation et de la subjectivité ainsi qu'aux théories de l'onomastique.
Le carnet de voyages chez Leïla Sebbar
Visant à saisir divers enjeux de la pratique mémorielle de Leïla Sebbar, nous examinerons son ouvrage récent, Mes Algéries en France (2004). Nourri d'un vaste réseau de filiations algériennes, où se rejoignent les deux rives de la Méditerranée, le carnet de voyages sebbarien affiche une hybridité importante en vertu de sa pluralité générique faisant s'enchevêtrer tour à tour (auto)biographie, journal, portrait, entretien, reportage, correspondance, essai, fiction. Le parcours analytique adopté s'attardera sur la spécificité rhématique ayant trait à l'éclatement du récit de voyage conventionnel, sur les particularités énonciatives du texte sebbarien ainsi que sur les tensions engendrées par l'interface image-texte.
Raconter le trauma, contourner le genre: l'écriture de l'inceste chez Christine Angot
Il s'agira dans ma communication d'analyser le rapport entre l'écriture de l'inceste traumatique et le contournement du genre littéraire chez l'écrivaine française contemporaine Christine Angot. Je me consacrerai surtout à une étude de L'inceste (1999), tout en faisant référence à d'autres ouvrages d'Angot, pour dégager certaines stratégies discursives (l'emploi des formes interrogatives, du discours indirect libre, de voix intérieures, de répétitions) utilisées à la fois pour écrire l'inceste et pour questionner le genre. Raconter le trauma chez Angot, c'est aussi défaire les conventions du genre et ce, dans un style abrasif où le viol incestueux de la fille entraîne un certain viol du langage.
Du « journal du dehors » au journal intime : le paradoxe de l’écriture d’Annie Ernaux
Dans cette communication nous proposons de suivre le parcours sinueux de l’écriture ernausienne du « journal du dehors » (1993), recomposition objective du monde extérieur, au journal intime (Se perdre 2001), aveu d’une passion amoureuse violente. Ce texte «irreprésentable», qui met en mots un corps érotisé, se constitue lui-même en corps d’écriture qui met en cause le genre du journal. Ce qui rapproche les deux journaux, que tout semble séparer, ce sont les nombreuses réflexions d’Ernaux au sujet du rapport qu’entretient son écriture avec la vie, le plaisir, le désir d’amour et de mort.
Graveurs d'enfance de Régine Detambel, entre le portrait littéraire et le mode d'emploi
Graveurs d'enfance (1993) regroupe cinquante descriptions lyriques d'objets accompagnant l'acte d'écriture. Plusieurs chapitres incluent d'ailleurs des mises en garde et quelques suggestions quant à l'utilisation de ces outils d'écriture. Mais à cette ressemblance avec le mode d'emploi s'ajoute un emprunt au portrait littéraire, genre traditionnellement réservé à la description d'êtres humains. Je me propose de me pencher sur les différentes manifestation du mode d'emploi et du portrait littéraire, tout à fait étrangers l'un à l'autre, dans l'ouvrage de Detambel afin de démontrer que ce croisement littéraire contre nature engendre un texte hybride et neuf où la banalité d'objets familiers et de genres usés cède le pas à l'insolite.
La République Roman de Jacques Jouet.
Jacques Jouet produit une œuvre délibérément protéiforme, quantitative et innovatrice sur le plan de la forme. Éventuellement, des contraintes oulipiennes lui servent à échafauder des proses longues, en créant des effets de lecture semblables à celles de la poésie. Son parti pris d’hybridation le fait passer du roman au théâtre ou à la poésie, en refusant ainsi que l’œuvre ne s’enferme dans une catégorie précise. C’est dans ce métissage que celle-ci est résolument moderne. Je proposerai une lecture à la fois panoramique et détaillée de son vaste cycle romanesque intitulé La République Roman, qui comprend actuellement plus de vingt-cinq œuvres individuelles. Ma communication voudra faire ressortir de l’œuvre de Jacques Jouet son originalité formelle, son refus délibéré de l’autofiction, son hybridation volontaire des genres et son parti pris quantitatif.
Le roman composite dans l'extrême contemporain : Caligaris, Gavarry, Jauffret
Des tentatives récentes ont été faites pour exploiter des structures romanesques composites et renouveler en profondeur la narration fondue du roman, sans pour autant tomber dans les impasses du Nouveau roman et pas non plus dans une perspective ludique. La parution récente de plusieurs de ces romans dans un contexte d'un « retour du romanesque » et leur reconnaissance critique soulève de façon forte les questions, qui relèvent d'un usage concerté de la fragmentation, de l'éclatement du genre et de l'esthétique du discontinu.
Regards croisés derrière la porte: hybridité dans la nouvelle érotique d'Alina Reyes
Derrière la porte est un livre hybride, puisque Reyes y emprunte une forme de la littérature jeunesse, l’aventure dont vous êtes le héros. Cette fois, pourtant, ces « aventures » sont un récit de rencontres sexuelles. Reyes crée ainsi un choc ludique entre enfance et érotisme. Elle confronte aussi fantasmes masculins et féminins par la scission du livre en deux : une aventure dont vous êtes le héros, et une dont vous êtes l’héroïne. Deux nouvelles de "Derrière la porte" serviront à étudier la prise de parole contemporaine au féminin sur l’érotique. L’hybridité des nouvelles se construit par la reprise des codes de l’érotique et de ses stratégies discursives, mais aussi par l’éloignement de la nouvelle érotique classique, puisque celles de Reyes refusent l’assouvissement. Elles participent au renouvellement du genre de la nouvelle érotique par la mise en scène du genre sexuel, ainsi que par divers choix formels et procédés textuels.
Croisements de l’essai et du roman chez Milan Kundera
Cette communication propose une étude croisée de deux textes de Milan Kundera : l’essai Le rideau (2005) et roman La lenteur (1995). Un chiasme se dessine dans l’œuvre de Kundera : le roman essayistique et l’essai romanesque, procédé qui se répète sur le plan de l’énonciation, soit un narrateur-essayiste et un essayiste-romancier. Cette hypothèse sera associée à un paradoxe kundérien : le refus de parler de soi, et l’«affirmation [de l’auteur] à travers une voix et une pensée clairement identifiées» (Ricard). Ainsi, on pourra mieux comprendre le rôle joué par cette voix et cette pensée dans l’exploration actuelle des possibilités de croisements du roman et de l’essai.
Féminisme nihiliste et autofiction
À mi-chemin entre idéologie et intimité, révolution et soumission, fiction et réalité, quête individuelle et revendications sociales, Putain de Nelly Arcan semble reprendre les thèmes féministes traditionnels, en plus de proposer un portrait actualisé de la condition féminine. Si l’autofictionnaire fait incontestablement preuve d’agentivité, il n’en demeure pas moins qu’elle est atteinte d’un mal de vivre qui la pousse à s’auto-réifier. À l’aide des notions d’assujettissement et de nihilisme, il s’agira de démontrer comment l’autofiction peut servir la démarche émancipatrice d’un sujet en formation au sein du discours dominant. Nous observerons l’émergence d’une voix singulière se dévoilant dans toute sa complexité psychologique, idéologique et littéraire.
Récit indécidable : à propos de Préhistoire de Claude Ollier
Préhistoire de Claude Ollier, publié en 2001, monte la scène primitive du corps démembré et remembré, du mouvement de la pensée qui ne va pas sans la souffrance physique, et de l'écriture qui chemine avec la déambulation du personnage-pèlerin. Ce travail étudiera deux aspects qui tissent l'indécidabilité de ce texte : 1. le nœud secret de l'espace-temps ; 2. le jeu rythmique d'une prose prosodique. Ni roman ni essai, à la fois prose et poésie, peut-être seul le terme « récit », en tant qu'espace du « toujours déjà commencé » et du « jamais achevé » (Vincent Descombes), est-il capable de rendre compte de l'hétérogénéité et de l'étrangeté du texte.
Échos évangéliques dans deux romans de Germaine Guèvremont : Le Survenant et Marie-Didace
Plusieurs critiques ont reconnu dans le personnage du Survenant une figure christique qui apparaît comme un « rédempteur » dans l'univers en crise qu'est le Chenal du Moine. Toutefois, à la fin du roman, la promesse de rédemption ne se réalise point : les amis du Survenant restent dans l'attente, la confusion et la tristesse après son départ. C'est donc à la suite de ce diptyque, Marie-Didace, qu'il faut se tourner. Nous voulons proposer une lecture des deux romans ensemble qui révèle Marie-Didace comme l'enfant spirituel du Survenant. Il serait ainsi possible de faire un rapprochement entre le Survenant et le personnage de Jean-Baptiste, celui qui annonce l'arrivée du messie.
Sur l’usage de la métalepse dans Bonheur d’occasion
Dans cette communication, on examinera dans Bonheur d’occasion ce qu’on appelait autrefois les « interventions de l’auteur » et qu’on appelle aujourd’hui, à la suite de Figures III, des métalepses, perçues comme des transgressions de niveau narratif. Ce travail sur les métalepses, qui sont en fait assez fréquentes, nous aidera à cerner l’attitude adoptée par le narrateur envers ses différents personnages et donnera un aperçu de la philosophie qui passe dans l’œuvre par le biais de ce personnage « invisible ». Il restera à faire le lien entre cette pratique narrative et l’effet créé par ce chef-d’œuvre de la littérature québécoise sur le lecteur.
La mère destructrice : le rôle de la main dans La Belle Bête et Le Torrent
Cette communication examinera le rôle de la main dans La Belle Bête (1959) de Marie-Claire Blais et Le Torrent (1950) d'Anne Hébert. La main, premier contact avec l'Autre, a tantôt un pouvoir créateur et tantôt un pouvoir destructeur. Ces romans procèdent à une démythification de la mère. La main de la mère dévoile la distance entre l'idéal et la réalité personnelle de bien des femmes. Ces deux romans se servent de la main dans toute sa puissance, y compris de la main de l'auteur, pour porter un défi aux idées reçues sur le rôle de la femme dans la société.
L'angoisse d'écrire dans Marie-Didace de Germaine Guèvremont
Dans leur étude de l'écriture anglaise des femmes au dix-neuvième siècle, Susan Gilbert et Susan Gubar observent que l'écrivaine s'affronte à une angoisse d'écrire (anxiety of authorship): la crainte paradoxale qu'elle ne pourra jamais créer et que sa création va l'isoler et, finalement, la détruire. Cette angoisse peut se manifester dans l'écriture de certaines femmes sous la forme de la maladie et de la folie. Marie-Didace de Germaine Guèvremont témoigne-t-il de cette angoisse d'écrire? Le personnage d'Alphonsine, cette femme anorexique qui devient folle à la fin du récit, ainsi que le contexte social au Québec à l'époque où Guèvremont écrivait son roman, nous permettent d'explorer cette possibilité.
L'intime, le divin. Une poésie de la proximité
Les échos judaïques dans La Belle Bête de Marie-Claire Blais
Le conflit dans La Belle Bête a lieu, évidemment, sur la Terre et autour de la question de la terre. Cette double compréhension du mot "terre" et le symbolisme qui s'y rattache invitent à une interprétation judéo-chrétienne. Selon notre lecture, Blais traite fondamentalement l'histoire du rapport entre Dieu, la terre et son "peuple".
Il nous intéresse surtout d'examiner le rôle et la fonction d'Isabelle-Marie face aux incidents d'idolâtrie dans ce roman, la valeur de la "terre" en tant que "lieu de mémoire", et le symbolisme de la beauté du point de vue théologique. Ce personnage (Isabelle-Marie), est-il l'incarnation de la jalousie meurtrière ou tout simplement un agent de la justice divine?
"Alphonsine, Marie-Didace : 'Telle mère, telle fille' ?" dans Marie-Didace de Germaine Guèvremont
À priori, le lien entre Alphonsine et Marie-Didace semblerait témoigner d'une divergence par rapport au proverbe "telle mère, telle fille". Au moyen d'une lecture féministe de ce rapport mère-fille, cependant, nous mettrons en lumière le fait que Marie-Didace, alors qu'elle pourrait en effet apparaître comme l'opposé de sa mère, lui est finalement étroitement liée, jusqu'à en représenter une sorte de double. Si ces deux personnages féminins révèlent tout d'abord l'euphémisation traditionnelle de la femme, ils dessinent en fait une trajectoire vers une nouvelle conception du monde où le patriarcat, notamment, se trouve supplanté.
Kirsty Bell
Université de Toronto
Collectionneurs et chasse aux trésors et dans Nikolski
Dans l'univers presque fantasmagorique de Nikolski de Nicolas Dickner (Alto, 2005), les personnages sont collectionneurs de toute sortes d'objets curieux et hétéroclites. Les personnages, les thèmes et la structure du roman donnent lieu à une sorte de musée-collection que le lecteur parcourt comme dans une chasse aux trésors. Dès lors, cette communication se propose d'explorer les façons dont l'acte d'accumuler les objets participe à la caractérisation des personnages et d'examiner les diverses manières dont on peut interpréter l'exposition littéraire des collections disparates. En se penchant sur ces phénomènes, nous étudions la collection dans la littérature comme figure de l'imaginaire et configuration esthétique.
De la collection privée au roman : un réalisme balzacien « décadent » ?
Je me propose de relire Le cousin Pons à l’aune de la notion de « collection privée » puisque la collection du personnage éponyme est présentée par Balzac lui-même comme « l’héroïne de ce roman ».
Je prends pour cadre méthodologique les propos théoriques de Jean Baudrillard et de Susan Stewart sur la collection et le collectionneur.
Partant, je m’interroge sur les conséquences narratives et esthétiques de l’intrusion d’une collection privée dans ce roman. Je me penche alors sur l’ambiguïté réaliste du personnage de Pons à la fois collectionneur et objet de collection. Je me demande enfin si ce roman de la collection privée ne pose pas les prémices d’une esthétique décadente.
Du tragique à l’ironique : musées privés et musées publics dans les derniers romans de Stendhal
Les personnages stendhaliens se composent fréquemment des sortes de petits musées privés, mais tout se passe comme si la figure du musée privé atteignait dans la Chartreuse de Parme un paroxysme, alors que sont exploités tous les ressorts tragiques de la figure, le musée privé s’y mutant même en ce que Philippe Hamon qualifie de « musée-forteresse ». Puis, avec le roman suivant, Féder, la figure du musée se montre sous un jour beaucoup plus comique, alors qu’elle s’élargit aussi à sa forme publique. En effet, un portrait peint par Féder fait son entrée dans une exposition au Louvre. Nous nous proposons d’examiner les deux mouvements de cette construction de la figure du musée chez Stendhal.
Le texte-musée : l’art et l’exil chez Madeleine Gagnon
Mon analyse d’un roman de Madeleine Gagnon, Le Vent majeur, permet de préciser la façon dont le texte interpelle le visuel pour se constituer en lieu d’exposition ou de fabrication de l’image et se livrer à diverses formes d’expérimentation du voir et du percevoir en rapport avec un choix d’écriture. Ce texte appartient à ce que je nomme ici le texte-musée en ce qu’il tend à intégrer l’image dans la fiction. Gagnon explore dans son roman le discours amoureux qui marque la vie et l’esthétique d’un peintre aux prises avec l’histoire, le corps, l’enfermement. Pour le créateur, la toile devient alors le lieu où s’inscrit la mémoire de l’exil. Interroger l’exil par le biais de l’art a l’avantage de montrer le processus d’expulsion et d’appropriation qui travaille la création visuelle et littéraire.
La collection et le collectionneur dans l'œuvre de Michel Tournier
Les personnages principaux des romans de Michel Tournier sont, on le sait, des lecteurs, des thématisateurs, des déchiffreurs de signes. Mais, dans tous les romans de Tournier, on trouve, à côté des figures de la grille et du lecteur, celles de la collection et du collectionneur. Cette communication part d'une analyse thématique du rôle de la collection et du collectionneur dans la critique de la modernité effectuée par Tournier pour ensuite s'interroger sur les enjeux esthétiques et épistémologiques de la collection considérée comme principe d'organisation, de structuration, non seulement du monde mais aussi du texte.
La maison-texte de Goncourt et Huysmans
En 1880, Edmond de Goncourt publie La maison d'un artiste. Cette œuvre, tenant à la fois du catalogue, de l’autobiographie intellectuelle et du testament, marque sans doute le moment où l’esthétique littéraire fin de siècle bascule vers le décoratif. L’ornementation domine ici de manière absolue, intimement liée à une rhétorique naturaliste dévoyée où le didactique et le descriptif, pris dans un réseau verbal qui s'emballe, récusent le rapport aux codes narratifs et au hors-texte référentiel. C’est dans cet espace discursif, ouvert par un prédécesseur aujourd’hui trop souvent négligé, que s’engouffrera J.-K. Huysmans avec À rebours quatre ans plus tard.
Genèse d'une écriture: Enfance de Nathalie Sarraute
Décrivant l'éveil au langage et la rencontre avec autrui, Enfance révèle dans le vécu de l'écrivain le lieu du premier jaillissement des « tropismes ». Rejetée du côté de l'altérité absolue dès son expérience enfantine, l'auteure transcende les contradictions par son écriture, y faisant circuler des voix non identifiées qui effacent toute différence. Répondant à la nécessité de désamorcer le conflit moi/autrui qu'incarnent maintes oppositions binaires, Sarraute tente de représenter l'universel par le « neutre » pour atteindre au fond commun de l'humanité, ce lieu de l'anonymat universel. D'où son refus intransigeant de se reconnaître tout autre singularité que celle d'écrivain.
Redonner le goût de la lecture : un défi insurmontable, dites-vous !
Combien de fois avons-nous entendu les professeurs de littérature L2 se plaindre que les étudiants ne lisent, n'aiment pas lire ou ne se sentent pas concernés par les textes choisis ? Cette communication présentera une approche dans laquelle un seul roman est abordé, en premier lieu, en contexte, à partir de documents écrits, visuels et auditifs, et ensuite en utilisant des stratégies nécessaires à la compréhension et à l'interprétation du texte, du contexte et des intertextes. Elle donnera aussi des exemples concrets de cette approche ainsi que quelques commentaires d'étudiants qui ont servi de cobayes.
Le voyage identitaire du sujet « Autre » dans La fiancée promise de Naïm Kattan
Dans La fiancée promise de Naïm Kattan (1983), le personnage « Autre », si souvent examiné en tant qu’objet du discours, est le sujet du discours. Le narrateur, Méir, irakien de naissance, révèle ses tentatives d’intégration au Québec ainsi que la (re)construction de son identité dans ce nouveau contexte. Cette prise de parole par l’Autre représente un changement de perspective magistral. Cette communication vise à dégager comment le sujet « Autre » exprime son altérité dans le texte. Pour ce faire, je compte discuter de deux stratégies discursives fondamentales à la construction de l’altérité : l’énonciation et le rapport au groupe de référence (Landowski, 1997 : 45-86). Celles-ci me permettront également de montrer l’évolution de l’identité de Méir afin de mettre en lumière de nouveaux enjeux qui se dévoilent quand l’Autre prend la parole.
Littérature pour la petite enfance : propédeutiques intertextuelles et transferts référentiels
Modèles de jeunes filles: l’adolescence féminine dans la collection “Brigitte” de Berthe Bernage
La collection “Brigitte” de Berthe Bernage, une des séries les plus populaires pour jeunes filles en France pendant la première moitié du 20ème siècle, a attiré peu d’attention critique. Les trente-deux romans publiés entre 1928 et 1972 qui constituent la collection illustrent l’évolution de l’expérience adolescente à travers le siècle et révèlent des messages quant aux valeurs culturelles en France et la socialisation des jeunes filles. L’objectif de cette communication est d’examiner les premiers romans de la série, publiés pendant la période de l’entre-deux-guerres, afin de voir comment la jeune fille y est construite et de quelle façon ces romans ont renforcé les idéologies de la période, surtout en ce qui concerne l’émancipation féminine et son “backlash” à la suite de la Première Guerre mondiale.
De quelques cas problématiques du participe passé et la pratique évaluative
L'objectif de cette communication est d'identifier, dans la multitude des règles du participe passé, celles qui présentent des cas problématiques. Par « problématique », il faut entendre les règles où existe une certaine flexibilité dans leur utilisation. Nous présenterons chacun de ces cas avec les commentaires de différents grammairiens et une brève incursion historique pour mieux cerner l'origine de ces fluctuations en question. Enfin, ces cas seront également discutés sur le plan de l'évaluation sommative à la fois en rapport avec l'Arrêté Haby et les rectifications de l'orthographe du Conseil supérieur de la langue française, et ce, en vue de formuler des recommandations susceptibles d'apporter un éclairage utile aux professeurs dans l'évaluation des écrits de leurs étudiants.
Morts collectives et lieux de la mort dans la littérature africaine du génocide
Dans les récits issus du projet Rwanda : Écrire par devoir de mémoire, un sujet nouveau nous semble intéressant à explorer : les lieux de la mort. Aujourd’hui, ces lieux sont devenus des lieux de la mémoire connus sous le terme de sites du génocide. Koulsy Lamko parle de l’église-musée-site du génocide ou classes-musées-sites du génocide. Ces sites nous intéressent dans le sens où la mort dans ces lieux n’est plus le thème, c’est-à-dire l’objet parlé du discours, mais devient plutôt le sujet parlant.
Dans une analyse de leur représentation, nous étudierons entre autres, l’image de la mort ou plutôt des morts dans ces lieux et leur relation avec le monde extérieur, ainsi que la place que prennent ces lieux dans la représentation du génocide en général. Ce dernier point nous permettra aussi d’étudier les convergences et divergences qui s’établissent dans la lecture de plusieurs auteurs de ce projet.
La poétique des objets et l’expérience esthétique des lecteurs/lectrices dans la poésie de Jacques Prévert
La représentation des objets dans Paroles (1949) de Jacques Prévert fait partie intégrante de son univers poétique qui incite les lecteurs/lectrices à tenir compte de leurs propres attentes esthétiques afin de mieux saisir la réalité de l’œuvre. Cette communication portera sur la spécificité des procédés poétiques de Prévert en examinant la structure des vers au sein desquels la poétisation des objets du quotidien joue un rôle fondamental. La notion d’ « expérience esthétique » (Mikel Dufrenne, 1953) se prête bien aux réflexions sur les images en mouvement qui ressemblent aux principes du champ/contrechamp ou du ralenti cinématographique. Je mettrai ainsi en évidence une redécouverte de la poésie des objets, pour la plupart oubliés, mais dont on peut voir la résurgence de nos jours dans certaines pratiques et thématiques artistiques.
Les « ruptures » de Malika Mokeddem: Le siècle des sauterelles (1992) et Les hommes qui marchent (1997)
La critique soutient généralement que « Malika Mokeddem trempe sa plume dans le verbe ‘flamboyant' de sa grand-mère pour réécrire l'Histoire des femmes algériennes conjointement à la sienne » (Yolande Helm, Malika Mokeddem : envers et contre tout, 8). Cependant, en prenant une telle position, l'on risquerait de réduire son œuvre à un type de discours féministe qu'elle semble vouloir dépasser. De fait, avec une responsabilisation proportionnée et objective de l'homme et de la femme, ses mises en scène romanesques présentent des solutions concrètes pour améliorer les relations entre les deux sexes. Nous nous fonderons majoritairement sur les Idéologies du ressentiment par Marc Angenot (1997) et de l'article Statut sémiologique du personnage par Philippe Hamon, dans poétique du récit, (1977), pour examiner notre hypothèse.
Enseigner une langue seconde avec la plate-forme interactive CAN8
La plate-forme interactive CAN8 peut être utilisée comme outil principal et comme outil d'appoint, selon les domaines d'apprentissage, dans l'enseignement d'une langue seconde. Comme outil principal, le logiciel est appliqué en classe de phonétique corrective et comme outil d'appoint il est utilisé pour tout cours de langue de niveau débutant ou intermédiaire afin de compléter une méthode qui n'inclut pas de matériel audio-visuel. Dans les deux cas, CAN8 permet aux étudiants d'apprendre à leur propre rythme et d'évaluer instantanément leurs progrès. Il permet à l'enseignant de concevoir du matériel adapté aux besoins de la classe, de surveiller le progrès des apprenants et de créer des tests. Néanmoins, le logiciel présente quelques contraintes qui limitent son utilisation optimale.
"Le culte des images" : Baudelaire et La goutte d'or de Tournier.
"Glorifier le culte des images," écrit Baudelaire, pour qui l'univers visible est "un magasin d'images et de signes" (Salon de 1859). Mais il distingue les images nées de l'imagination d'avec celles nées d'une industrie nouvelle : la photographie, qui empiète sur le signe. Dans La goutte d'or (1985) Tournier approfondit l'antinomie, ébauchée par Baudelaire, entre le signe et l'image dans l'histoire d'un jeune nomade berbère qui voyage à Paris à la poursuite de son image volée en photo. Loin du "monde sans image" de son oasis saharienne, le jeune travailleur immigré s'empêtre dans un filet d'images. Mais il triomphe momentanément de la tyrannie de l'image en restituant à la bulla aurea sa valeur de signe.
Les enjeux linguistiques du Cassé de J. Renaud
Le narrateur, contrairement à ce qu'il veut laisser croire, n'est pas linguistiquement un cassé (un indigent) : c'est un écrivain dont le savoir littéraire est imperceptible à cause même de l'univers joual qu'il décrit et dénonce. L'esthétique de Renaud ne se limite pas à entremêler brillamment trois niveaux narratifs : la narration à la troisième personne, les personnages qui balbutient ou livrent eux-mêmes leur pensée larvesque, et enfin la description de la réalité sociale aliénante. Au-delà de sa crudité provocante, ce texte hyper-réaliste est une comparaison imagée de la situation linguistique à laquelle doit faire face l'écrivant ou même tout Québécois de cette époque.